Entretiens sur le métamorphisme

Commission de Volcanisme
Par Dominique Rossier, membre de la SAGA

V. Géodynamisme des hautes pressions

V.3. Le cas du Bas-Limousin : les éclogites rétromorphosées

Partie 1/2

 

Les formations métamorphiques de la feuille de Tulle sont impliquées dans une histoire tectonique relevant de plusieurs phases de déformation : cette histoire sera reconstituée lors d’un prochain entretien (métamorphisme régional : exemple du Bas-Limousin). Pour le cadre de ce cinquième entretien sur le métamorphisme de hautes pressions, nous allons nous intéresser à des formations toutes localisées à l’est de l’anticlinal de Tulle, et remarquables par leurs paragenèses particulières : ce sont les métaéclogites, dérivées d’éclogites, elles mêmes formées dans des conditions anhydres de hautes pressions et hautes températures.
  Les métaéclogites de la région de Tulle et d’Uzerche occupent de très nombreux petits massifs, souvent étirés, et dispersés sur plus de 40 km suivant un axe sud-est/nord-ouest : planche 8. Elles correspondent à un stade précoce de haute pression, précédant le stade principal de métamorphisme dalradien, de l’âge dévonien, qui a complètement façonné les roches métamorphiques du Bas-Limousin.

BRGM Uzerche 1/50000e
Planche 8

La paragenèse éclogitique initiale n’a été observée qu’en un seul site, sur la feuille d’Uzerche ! Elle est constituée de l’assemblage, visible sur la planche 9 :

Omphacite+ grenat ferrique-magnésique+ rutile

  Arrêtons nous un instant sur cette paragenèse exceptionnelle? En effet, alors que les amphiboles sont très bien représentées dans les roches métamorphiques, les pyroxènes, ou plus exactement les omphacites, très proches, sont plus rares. Les températures relativement basses qui règnent durant le métamorphisme et la présence d’eau ne favorisent pas la genèse de minéraux anhydres et de haute température. La planche 10, hors texte décrit la famille des pyroxènes du métamorphisme.

Eclogite fraîche

Planche 9. Eclogite fraîche. Le grenat et le clinopyroxène forment une mosaïque équante. Le léger liseré noir entre les grains marque le début de la kéliphitisation.
Thèse de Bernard Lamouille, 1979

De plus, l’omphacite « signe » véritablement les hautes pressions, car c’est une solution solide de trois termes ne pouvant se former que sous hautes pressions :

Le diopside, clinopyroxène calco-magnésien, Ca Mg(SiO3)2

 

La jadéite,   clinopyroxène  alumineux-sodique, NaAl(SiO3)2   
Et l’aégyrineclinopyroxène  sodo-ferrique, NaFe(SiO3)2 

Alcalins

Normalement, une éclogite est complètement dépourvue de plagioclase, et ce caractère négatif est même essentiel pour sa définition.

  La seconde paragenèse est, au contraire, répandue sur l’ensemble des corps de métabasites : c’est celle des éclogites dites rétromorphosées. Elle correspond au début de l’hydratation des éclogites, lors de la  décompression qui a précédé les déformations responsables de la première phase du métamorphisme dalradien du Bas-Limousin. De nombreux échantillons ont été prélevés au Puy de Ferrières, de façon à disposer d’une certaine variété d’aspects, correspondant à des états de rétromorphisme de plus en plus achevé.

Planche 11 et dessin interprétatif sur la planche 11 bis : photo prise en lumière normale et en réflexion sur une surface polie. les grenats magnésiens, souvent parfaitement automorphes, sont de dimension millimètrique à plurimillimètrique, et disposés assez uniformément et densément dans une matrice blanc à gris nacré, de texture fine. Ils sont de couleur rose à rouge vif, avec une frange claire très mince à la périphérie (amphibole magnésienne incolore ?): cette frange les sépare de leur couronne réactionnelle vert sombre qui est la signature la plus spectaculaire de la rétromorphose. Dans le cas présent,  il s’agit d’un début de transformation rétrograde rapide et hors d’équilibre, qui ne parvient pas à son terme. La texture de cette couronne, dite « symplectique », sera étudiée plus loin en détail à partir de lames minces. Les analyses à la microsonde électronique ont établi que ces grenats pyrope sont zonés et  enrichis progressivement vers le cœur en almandin.

Pyroxènes du Métamorphisme
Planche 10

 

Métaéclogite
Planche 11. Métaéclogite dans un stade précoce de kéliphitisation.

Interpretation métaéclogite
Planche 11 bis, dessin d’interprétation de la photo de la planche 11 ( à l’intérieur du rectangle rouge). Les pyropes Gr sont entourés d’une trame fine de kéliphite Kel. La linéation  d’entraînement,liée au boudinage des corps éclogitiques, est soulignée par la disposition des amphiboles brunes:Amp Brune. L’orientation de la déformation est également visible sur les « zones abritées »des grenats, de forme triangulaire typique, où le quartz cristallise : Qz abri.

 

 

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