Entretiens sur le métamorphisme

Commission de Volcanisme
Par Dominique Rossier, membre de la SAGA

VII. Métamorphisme régional : un cas d'école,
le Bas-Limousin... le problème de la datation.

VII.3 Textures, minéralogie et origine des roches rencontrées (3)

 

3.2.Petits corps d’amphibolites.

3.2.1. Des intercalations basiques métamorphisées dans la série cristallophylienne du bas-limousin.

            En parcourant d’ouest en est la région métamorphique, on observe dès le début, au sein des gneiss gris du Bas-limousin, puis des leptynites, des intercalations d’amphibolites. Elles sont rares au début, puis leur fréquence augmente, bien que leur étendue reste toujours modeste. Ces intercalations apparaissent comme des petits corps lenticulaires, de quelques dizaines de mètres de puissance dans l’axe de parcours, soit très localisés, soit étirés sur des centaines de mètres, voire plus, suivant un axe nord-ouest/sud-est (voir carte de la figure 8 du chapitre 1). Elles manifestent la présence de niveaux à caractères basiques, au sein des sédiments et des volcanites de la séquence d’origine, à caractère acide. Ces amphibolites sont des formations d’origine magmatiques, surtout volcaniques, associées aux grandes formations volcaniques de la série cristallophyllienne principale du Bas-Limousin. Comme les métamorphites de la région, elles ont subi tout ou partie du processus métamorphique.
  Ces corps d’amphibolites présentent une certaine variété de nature et de texture, et donc d’origine, qui conduit à tenter de les classer. On observera ainsi :

                        - les amphibolites issues sans ambiguïté de la rétromorphose des éclogites de la partie Est de l’anticlinal de Tulle. Le cas où les vestiges de l’éclogite sont encore observables a été traité dans le chapitre 5, traitant du métamorphisme de haute pression.

                        - les amphibolites dites  « banales », répandues partout dans les gneiss gris et les leptynites. Ce sont elles qui présentent la structure de lentilles très allongées.
  Dans cette catégorie, on range toutes les amphibolites ne manifestant pas de traces relictuelles éclogitiques ou magmatiques évidentes. C’est ainsi que de nombreuses formations de ce type peuvent être malgré tout d’anciennes éclogites complètement rétromorphosées.

                        - les amphibolites de la mésozone et de la catazone, à reliques magmatiques évidentes. On a pu ainsi identifier un métagabbro et une métadiorite dans la partie ouest de la zone de gneiss gris, et retrouver des métadolérites et les métapyroxènolites signalées dans la notice de la carte géologique.

  3.2.2. Description des différents types d’amphibolites.

  1. Amphibolites dites  « banales ». Le cliché 1 pris sur l’échantillon 608b, montre la texture habituellement rencontrée, de type nématoblastique. Ces roches sont vert foncé, à grain fin à très fin, nettement foliées. Les amphiboles peuvent être très étroitement alignées les unes par rapport aux autres par anastomose, formant une texture linéaire en crayons.

La hornblende verte commune est très majoritaire, devant le plagioclase basique (andésine), et dans certains cas la biotite plus ou moins chloritisée. Le sphène est presque toujours présent, en très petits grains.

Amphibolite nématoblastique
Cliché 1
  1. Métagabbros et métadiorite.

  Dans plusieurs cas, les reliques de l’origine magmatique sont visibles et peuvent être exploitées pour identifier la roche d’origine. Sauf exception, ces roches sont foliées.

  Les échantillons 112 (affleurement sur la N89) et 609 (Chassoncet, canton de Beynat, échantillon fourni par Guy Chantepie, du GAGN.), tous deux prélevés dans la partie ouest de la vaste zone du « gneiss gris du Bas-Limousin », présentent une structure hétérogranulaire, grano-lépidoblastique, où les amphiboles allongées moulent les plagioclases et les quartz.

  Echantillon 112, Cliché 2. Il y a alternance de lits quartzo-feldspathiques et de lits d’amphiboles. Les intervalles sont plurimillimètriques. Les lentilles de quartz, moulées par les amphiboles, sont pavées de cristaux de taille supérieure à 0,1mm, souvent aplatis dans le sens de la foliation. Ils comportent des queues de recristallisation, témoins de la phase de foliation de cette amphibolite. Sur le cliché, un grand fuseau de plagioclase, maclé albite, est bien visible ; ses bords arqués sont en marche d’escalier. Grâce à la fraîcheur des feldspaths et leur taille, il a été possible de mesurer leurs angles d’extinction sur une dizaine d’individus présentant le macle de l’albite, Déterminé par la méthode de Michel-Lévy, au microscope polarisant. On en déduit un taux d’anorthite au moins égal à 50% : le plagioclase est proche d’un labrador.
  La recristallisation de biotites dans une seconde phase s’est faite en grands arcs polygonaux étroitement imbriqués sur les flancs des amphiboles (millimétriques à plurimillimétriques). Celles-ci ont subi d’importantes déformations qui leur donnent une forme assez inhabituelle en « fish eye ». Elles sont anastomosées.

Gneiss gris

Cliché 2

Conclusion : la texture, la dimension des cristaux et la composition du plagioclase sont des indices convergents : il s’agit d’un métagabbro, dans lequel les pyroxènes ont été entièrement amphibolitisés.
 
  L’échantillon 609 présente une structure foliée similaire, toutefois avec des lits quartzo-feldspathiques d’une part, et amphibolitiques d’autre part, nettement séparés : cliché 3.

cliché 3
structure foliée similaire, toutefois avec des lits quartzo-feldspathiques d’une part, et amphibolitiques

  La texture est aussi grano-lépidoblastique, les feldspaths ont été déterminés** : ce sont des andésines. Les cristaux d’amphibole sont bien formés, plus petits (de l’ordre de 0,1mm et moins). Ils ont été juxtaposés en pavages polygonaux par la recristallisation : cliché 4 pris sur une lame mince taillée perpendiculairement à la foliation et cliché 5 sur une coupe parallèle.
  En lumière polarisée/analysée, les teintes de Newton ne dépassent pas le tout début du second ordre.Le sphène est présent, parfois en lits de cristaux abondants (cliché 5). L’aspect le plus original de cet échantillon est la présence de quelques grandes amphiboles millimètriques non alignées dans le plan de foliation, et donc post-tectoniques : clichés 4 et 6. De plus elles présentent une teinte de Newton franchement du second ordre, indiquant que leur composition est différente. Enfin elles sont le plus souvent zonées, la zone interne étant finement piquée par un réseau très régulier de minuscules grains opaques alignés : cliché 7.

 

grano-lépidoblastique
cliché 4
clcihé 5
grano-lépidoblastique
grano-lépidoblastique
clcihé 6
cliché 7
grano-lépidoblastique
  1. Métadolérites

  Suivant les indications de la notice de la carte géologique (feuille Tulle), l’affleurement de Ferrières a été visité : il donne un exemple assez exceptionnel de conservation du type éruptif d’origine, avec une texture porphyrique. Ce type d’intercalation est plus fréquent sur la région d’Uzerche (plus au nord) que sur l’anticlinal de Tulle. La roche est généralement nettement foliée et à grain très fin, et il serait difficile de reconnaître la dolérite d’origine s’il n’y avait pas, sur un court intervalle de quelques mètres, un bel affleurement montrant des plagioclases en phénocristaux.

Le cliché 8 (échantillon 618) montre les reliques de grands feldspaths éruptifs à peine modifiés, sur un fond d’amphibole constellé de petites lattes de plagioclases entrecroisés

-	Métadolérites
clcihé 8
 

 

 

Métapyroxènolite.

  L’un des deux affleurements mentionnés par la notice de la carte géologique (feuille Tulle) a donné des échantillons massifs d’amphibole brune en gros cristaux centimètriques. L’examen en lame mince montre des cristaux automorphes millimètriques de pyroxènes orientés dans tous les sens, se détachant sur le fond constitué par les grandes amphiboles centimètriques, altérées.
  Les pyroxènes sont reconnaissables à la section pseudooctogonale des sections droites des prismes : cliché 9 pris sur échantillon 203. Le pléochroïsme est faible. L’angle d’extinction montre que ce sont des clinopyroxènes. Les teintes de Newton sont compatibles avec le diopside. La nature des pyroxènes et l’absence de quartz et de plagioclase sont en faveur d’une origine ultrabasique.

cliché 9
-	Métapyroxènolite

3.2.3. Géochronologie des amphibolites.

  Le problème de la datation fait l’objet du chapitre 4. Toutefois, pour interpréter la présence des amphibolites il est utile d’anticiper  en donnant l’âge moyen déterminé pour les amphibolites et les métadolérites du Bas-Limousin :   il est de 350 MA, au tout début du Carbonifère, alors que les épisodes les plus intenses du métamorphisme régional sont largement passés. La formation des amphibolites serait contemporaine de l’anatexie transzonale, et de la surrection avec refroidissement lent de l’anticlinal. La diminution de pression s’accompagnant de la libération massive des fluides, les conditions seraient remplies pour l’amphibolitisation des roches basiques et ultrabasiques intercalées dans la région.


Liste des échantillons prélevés et décrits

δ 11. Amphibolites banales et métagabbros dans le gneiss gris du Bas-limousin ζ2. Prélevé à Chassoncet près de Beynat (fourni par Guy Chantepie). Poli et L.M. N° 609 a parallèle à la foliation et 609b perpendiculaire à la foliation.
Ainsi que 608b, prélevé dans la carrière du Faucou (entre Uzerches et Espartignac), et 112, prélevé dans la falaise rive gauche de la Corréze, plusieurs centaines de mètres avant gare d’Aubazine.

δ ρ 11. Métapyroxénolite de St Hilaire de Peyroux (au bord de la D141, à 500m au sud ouest) Poli et L.M 203.

δ 11 θ. Métadolérite. Echantillon 618 prélevé dans le talus de la N 120, au nord du Puy de Ferrières.

 

 

 

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